Salaire

Le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© en conseil des Ministres en mai dernier (voir « Avant-projet de loi sur le partage de la valeur : les 6 points Ă  retenir« ).

Le processus d’adoption du texte touche Ă  sa fin : un accord a Ă©tĂ© trouvĂ© par la Commission mixte paritaire le 15 novembre. Le 16 novembre, le SĂ©nat a adoptĂ© cette version finale du projet de loi, et l’AssemblĂ©e nationale doit se prononcer le 22 novembre.

MAJ du 30/11/2023 : la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 est publiĂ©e au JO du 30 novembre 2023

UNE NOUVELLE OBLIGATION

Dans sa version adoptĂ©e par la Commission mixte paritaire le 15 novembre 2023, l’article 3 du projet de loi de transposition de l’ANI sur le partage de la valeur dispose :

« I. â€“ Ă€ titre expĂ©rimental et pendant une durĂ©e de cinq ans Ă  compter de la promulgation de la prĂ©sente loi, les entreprises d’au moins onze salariĂ©s qui ont rĂ©alisĂ© pendant trois exercices consĂ©cutifs un bĂ©nĂ©fice net fiscal, dĂ©fini selon les modalitĂ©s prĂ©vues au 1° de l’article L. 3324‑1 du code du travail, au moins Ă©gal Ă  1 % du chiffre d’affaires et qui ne sont pas tenues de mettre en place un rĂ©gime de participation en application des articles L. 3322‑1 Ă  L. 3322‑5 du mĂŞme code doivent, au titre de l’exercice suivant :

1° Soit mettre en place un rĂ©gime de participation, dans les conditions prĂ©vues aux articles L. 3322‑9 ou L. 3323‑6 dudit code ou au I de l’article 2 de la prĂ©sente loi, ou un rĂ©gime d’intĂ©ressement, dans les conditions prĂ©vues aux articles L. 3312‑5 ou L. 3312‑8 du code du travail ;

2° Soit abonder un plan d’épargne salariale mentionnĂ© aux articles L. 3332‑1, L. 3333‑2, L. 3334‑2 ou L. 3334‑4 du mĂŞme code ou aux articles L. 224‑13 ou L. 224‑16 du code monĂ©taire et financier, selon les modalitĂ©s prĂ©vues aux articles L. 3332‑11 et L. 3334‑6 du code du travail et Ă  l’article L. 224‑20 du code monĂ©taire et financier ;

3° Soit verser la prime de partage de la valeur mentionnĂ©e Ă  l’article 1er de la loi n° 2022‑1158 du 16 aoĂ»t 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

I bis (nouveau). â€“ Sont rĂ©putĂ©es satisfaire Ă  l’obligation prĂ©vue au I du prĂ©sent article les entreprises dans lesquelles l’un des dispositifs mentionnĂ©s aux 1° Ă  3° du mĂŞme I est mis en Ĺ“uvre et s’applique au titre de l’exercice considĂ©rĂ©. Â»

Dans les commentaires de ce texte, il est généralement indiqué que cette mesure visera à compter du 1er janvier 2025 les entreprises de plus de 11 à moins de 50 salariés qui ont réalisé pendant 3 exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% de leur chiffre d’affaires.

Ces entreprises devront ainsi mettre en place, Ă  titre expĂ©rimental pour une durĂ©e de 5 ans : un dispositif de participation, OU un dispositif d’intĂ©ressement, OU un dispositif d’abondement d’un plan d’épargne salariale, OU une PPV (Prime de partage de la valeur).

ATTENTION AU CHAMP D’APPLICATION !

A bien regarder le champ d’application de cette mesure, on constate qu’un malheureux raccourci est souvent fait par les commentateurs.

En effet, en relisant l’article L. 3322-1 du Code du travail (reproduit ci-dessous), on doit conclure que cette mesure sera Ă©galement applicable aux entreprises qui ont atteint, et/ou mĂŞme dĂ©passĂ©, le seuil de 50 salariĂ©s mais qui sont dans la pĂ©riode dite de « gel Â» de 5 ans, prĂ©vue par l’article L.130-1 du Code de la sĂ©curitĂ© sociale, pendant laquelle elles ne sont pas tenues de mettre en place un accord de participation.

Durant cette pĂ©riode, elles ont certes plus de 50 salariĂ©s mais « ne sont pas tenues de mettre en place un rĂ©gime de participation en application de L. 3322-1 » (art. 3 du projet de loi, voir ci-dessus) car « l’obligation [ne] s’applique [Ă  elles qu’] Ă  compter du premier exercice ouvert postĂ©rieurement Ă  la pĂ©riode des cinq annĂ©es civiles consĂ©cutives mentionnĂ©es au premier alinĂ©a du II de l’article L. 130-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale Â» (art. L. 3322-1, voir ci-dessous).

Elles sont donc bien tenues, dans l’attente de la fin de la pĂ©riode dite de « gel Â», de mettre en place l’un des dispositifs de partage de la valeur dès lors qu’elles remplissent les critères fixĂ©s par le texte de l’article 3.

Pour mĂ©moire : article L. 3322-1 du Code du Travail :

« La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariĂ©s le droit de participer aux rĂ©sultats de l’entreprise.

Elle prend la forme d’une participation financière Ă  effet diffĂ©rĂ©, calculĂ©e en fonction du bĂ©nĂ©fice net de l’entreprise, constituant la rĂ©serve spĂ©ciale de participation.

Elle est obligatoire dans les entreprises mentionnĂ©es au prĂ©sent chapitre. L’obligation s’applique Ă  compter du premier exercice ouvert postĂ©rieurement Ă  la pĂ©riode des cinq annĂ©es civiles consĂ©cutives mentionnĂ©es au premier alinĂ©a du II de l’article L. 130-1 du code de la sĂ©curitĂ© sociale.

Elle concourt Ă  la mise en Ĺ“uvre de la gestion participative dans l’entreprise. Â»

EXEMPLE PRATIQUE

Une entreprise, sur la base de la moyenne de ses effectifs mensuels 2022 est considĂ©rĂ©e, pour la participation, comme ayant atteint le seuil de 50 salariĂ©s en 2023. Sa pĂ©riode de « gel Â» est donc 2023-2027 (donc mise en place de la participation sur les rĂ©sultats de l’exercice 2028 pour un premier paiement en 2029).

Or, pour les annĂ©es 2025/2026/2027, au regard de l’article 3 du projet de loi susvisĂ©, cette entreprise :

  • a plus de 11 salariĂ©s,
  • n’est pas encore tenue de mettre en place la participation du fait de la pĂ©riode dite de « gel Â».

Si elle rĂ©pond, de surcroit, Ă  la condition de rĂ©alisation d’un bĂ©nĂ©fice net fiscal au moins Ă©gal Ă  1% de son chiffre d’affaires pendant 3 exercices consĂ©cutifs, elle entrera dans le champ d’application de l’article 3 et devra mettre en place un dispositif de partage de la valeur dans l’attente de la fin de la pĂ©riode de « gel Â», avant mise en place de la participation Ă  partir de 2028.

Remarque :

L’obligation peut donc s’appliquer dès l’année 2025 si, sur les exercices 2022, 2023 et 2024, le bénéfice net fiscal est au moins égal à 1% du CA. Le texte du projet de loi indique en effet d’une part que l’obligation s’applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024, et d’autre part que les 3 exercices précédents sont pris en compte pour l’appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal.

đź”” N’hĂ©sitez pas Ă  anticiper ce coĂ»t en prenant conseil auprès de votre interlocuteur habituel !